
La place de la spiritualité dans la psychologie positive : un levier sous-estimé pour le bien-être psychologique
La psychologie positive, développée à la fin des années 1990 sous l’impulsion de Martin Seligman, s’intéresse à ce qui rend la vie épanouissante et satisfaisante. Au cœur de cette approche : les forces personnelles, les émotions positives, les relations enrichissantes, le sens de la vie et l’accomplissement. Mais un aspect, parfois négligé dans la vulgarisation de la psychologie positive, joue un rôle fondamental dans le bien-être psychologique : la spiritualité.
Qu’entend-on par « spiritualité » ?
La spiritualité ne se réduit pas à la religion. Elle englobe une recherche de sens, un sentiment d’interconnexion avec quelque chose de plus grand que soi, des valeurs de transcendance, et parfois des pratiques comme la méditation, la prière, ou la contemplation.
Selon Pargament (1999), l’un des chercheurs majeurs dans ce domaine, la spiritualité est « une recherche du sacré », que ce sacré soit défini de façon religieuse ou plus universelle.
Pourquoi la psychologie positive s’intéresse-t-elle à la spiritualité ?
Plusieurs composantes centrales de la psychologie positive croisent la spiritualité :
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Le sens de la vie (Meaning)
Selon le modèle PERMA de Seligman (2011), « Meaning » est l’un des 5 piliers du bien-être durable. La spiritualité est l’une des voies majeures d’accès à ce sens. -
Les forces de caractère « transcendantes »
Dans la classification des forces et vertus de Peterson et Seligman (2004), on trouve des forces comme l’espérance, la gratitude, l’émerveillement, la spiritualité elle-même, qui relèvent de cette dimension transcendantale.
Que disent les études scientifiques ?
1. La spiritualité est un prédicteur du bien-être subjectif
Une méta-analyse de Garssen et al. (2021) portant sur plus de 300 études montre une corrélation significative entre spiritualité/religiosité et bien-être psychologique, indépendamment du contexte religieux.
2. Spiritualité et résilience
Des recherches montrent que les personnes ayant un ancrage spirituel développent une meilleure capacité d’adaptation au stress et aux événements traumatiques (Pargament et al., 2004 ; Ano & Vasconcelles, 2005).
Par exemple, face à une maladie grave ou un deuil, la spiritualité agit comme un facteur de résilience, favorisant l’acceptation et la croissance post-traumatique.
3. Les pratiques spirituelles boostent les émotions positives
Des études sur la méditation de pleine conscience (Kabat-Zinn, 2003) ou la prière de gratitude (Emmons & McCullough, 2003) montrent que ces pratiques augmentent le niveau de satisfaction de vie, réduisent l’anxiété et stimulent les émotions positives.
4. Spiritualité et longévité
Une étude célèbre menée par Koenig et al. (2001) a montré que les personnes pratiquant régulièrement une activité spirituelle ou religieuse avaient une meilleure longévité et moins de risques de dépression.
Spiritualité et accompagnement psychologique
De plus en plus de thérapeutes en psychologie positive intègrent des éléments liés à la spiritualité dans leurs accompagnements :
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Exercices de gratitude
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Méditation de pleine conscience
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Recherche de sens et de valeurs existentielles
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Dialogue sur les croyances spirituelles personnelles
Bien sûr, cela se fait dans le respect des convictions de chacun, sans prosélytisme.
Limites et précautions
La spiritualité n’est pas un remède universel :
Elle peut être source de souffrance si elle est liée à la culpabilité, la peur ou à des conflits internes (ce que Pargament appelle la « lutte spirituelle »).
L’approche doit toujours être individualisée :
Tous les individus n’ont pas besoin ou envie d’une dimension spirituelle dans leur cheminement thérapeutique.
Références scientifiques :
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Pargament, K. I. (1999). The psychology of religion and spirituality? Yes and No. International Journal for the Psychology of Religion.
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Seligman, M. E. P. (2011). Flourish: A Visionary New Understanding of Happiness and Well-being. Free Press.
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Peterson, C., & Seligman, M. E. P. (2004). Character Strengths and Virtues: A Handbook and Classification. Oxford University Press.
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Garssen, B., et al. (2021). Spirituality and quality of life: A meta-analysis. Health Psychology Review.
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Ano, G. G., & Vasconcelles, E. B. (2005). Religious coping and psychological adjustment to stress: A meta-analysis. Journal of Clinical Psychology.
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Kabat-Zinn, J. (2003). Mindfulness-based interventions in context: Past, present, and future. Clinical Psychology: Science and Practice.
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Emmons, R. A., & McCullough, M. E. (2003). Counting blessings versus burdens: An experimental investigation of gratitude and subjective well-being. Journal of Personality and Social Psychology.
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Koenig, H. G., et al. (2001). Religion and medicine II: Religion, mental health, and related behaviors. International Journal of Psychiatry in Medicine.